Enfin ! Après trois années de chasses foireuses – si vous me permettez l’expression – ce mois de Juin 2021 a redoré le blason des orages français, dont nous nous moquions pourtant assidument lors de nos voyages américains. Et après une pandémie dont on peine à voir le bout du tunnel sous l’Atlantique, on remerciera le ciel de notre beau pays d’avoir su enfin nous gâter.
Les choses avaient déjà bien commencé en tout début de mois avec deux journées présentant une configuration orageuse estivale typique. Celles qui avaient justement presque disparues depuis quelques saisons. Une dépression bien positionnée sur le Golfe de Gascogne servait de pompe à chaleur et provoquait son lot d’instabilité sur le pays, avec la promesse d’une dégradation en plusieurs vagues d’ouest en est.
Et effectivement, les orages furent multiples durant ces 48 heures. Le 3 Juin 2021, je débutais la chasse proche de mon domicile dans le Puy-de-Dôme. Comme souvent dans ce genre de situation, les Combrailles (nord-ouest du département) sont favorables à l’éclosion de grosses cellules peu mobiles dès le début d’après-midi. Je rencontre l’une d’entre elles au sud de Montluçon, avec une base bien marquée et des grondements continus. C’est avec un plaisir total que je savoure ces premières véritables ambiances orageuses de 2021.

Alors que la soirée s’annonce très électrique sur les Charentes et le Poitou, je décide d’abandonner cette cellule dès qu’elle montre des signes de fatigue, afin de foncer vers l’ouest.
En traversant la Creuse en début de soirée, je fais face à un ciel particulièrement instable qui titille le bout de mon nez. Ou bien étaient-ce mes allergies aux pollens ? Toujours est-il que ces cumulus très développés autour de moi et des premières averses naissantes m’incitent à faire un arrêt sur l’un des seuls panoramas de la région afin de surveiller l’une de ces têtes nuageuses, semblant vouloir prendre du galon.
Bonne pioche, puisqu’à l’heure du coucher de l’astre solaire, l’averse explose soudainement et se transforme en un très bel orage quasi stationnaire juste devant mon point de vue. Les couleurs du soir sont fantastiques et même si la foudre ne se montrera qu’une seule fois, échappant à mon appareil photo, je profite d’une bonne heure d’activité intra et internuageuse sous une structure particulièrement mignonne.
En revanche, mon objectif grand angle étant en panne depuis quelques jours, je lutte pour faire rentrer tout le cumulonimbus dans mon cadre…

Plus à l’ouest, la nuit se poursuivra de manière moins heureuse, car même si les orages seront définitivement au rendez-vous, ça sera sous la forme d’un immense système multicellulaire produisant uniquement des éclairs intranuageux, sans même présenter une structure nuageuse excitante à l’avant. Bon, il faut dire aussi que je me suis retrouvé à chasser dans les plaines de bocage de la Vienne, ce qui n’est pas loin d’être la pire idée du monde. Bref, passons rapidement sur cette nuit stroboscopique, certes, mais peu photogénique.
Le lendemain, retour à domicile pour une situation qui s’annonce prometteuse en territoire auvergnat. Manque de chance, une première cellule me prend de court dès le tout début d’après-midi. Bloqué à la maison, je la manque tandis qu’elle s’enfuit vers la Saône-et-Loire. Le problème, c’est qu’elle a abondamment refroidi la plaine de Limagne en répandant son air froid sur des kilomètres. Plus à l’ouest, le front pluvio-orageux principal progresse et étend déjà son voile de nuages d’altitudes opaques, empêchant le soleil de réchauffer à nouveau l’atmosphère. Vu les conditions, par un tout petit 19 degrés, je deviens très pessimiste sur la suite des événements. Mais c’est sans compter sur un orage très étonnant qui va prendre naissance juste à l’est de Clermont-Ferrand et se montrer en spectacle pendant près de deux heures. Une cellule que j’aurai tellement du mal à qualifier que je déciderai d’en faire une vidéo pour recueillir l’avis de la population.

Suite à cette première session d’échauffement, il aura fallu patienter une dizaine de jours avant de voir une nouvelle configuration propice se mettre en place. Encore plus propice même ! Avec des vents plus marqués à toutes les altitudes, pouvant laisser espérer la formation d’orages rotatifs autrement plus actifs que le petit machin observé le 4 Juin sur le Puy-de-Dôme.
Autre avantage, la « goutte froide » à l’origine de ces orages allait vraisemblablement stagner sur l’ouest de la France pendant une bonne période. De quoi assurer plusieurs jours consécutifs de chasse, à condition de naviguer de régions en régions. C’est presque une semaine de chasse à l’américaine qui s’annonçait, tant la situation n’aura pas été avares en… supercellules !
Cette vidéo criminelle est accompagnée de nombreuses pièces à conviction photographiques retraçant cette période de chasse assez exceptionnelle. Je vous propose de faire un point sur les éléments à disposition ci-dessous.
16 JUIN 2021
En ce 16 Juin, c’est la Normandie qui est dans le viseur. Le Calvados plus particulièrement, bien que les modèles soient assez variables quant à la localisation précise et l’intensité potentielle des cellules orageuses. Dans l’après-midi, une zone pluvio-merdique mal prévue remontant sur les Pays de la Loire étend un voile nuageux vers le Nord, ce qui semble vouloir gâcher la fête en empêchant le réchauffement des basses couches de l’atmosphère par le soleil. Arrivé à Caen sous un ciel totalement bouché et par une température assez tiède, je m’inquiète franchement de la tournure des événements. Jusqu’à anticiper le premier gros « bust » (échec) de la saison.
Toutefois, vers 17h, quelques orages se développent sur le sud du département de la Manche et l’un va rapidement prendre le dessus. Au radar, il montre immédiatement une tendance supercellulaire. Problème, il remonte très vite et presque plein nord, ce qui fait qu’il file vers la mer. Je sais que je n’ai pas un instant à perdre si je veux pouvoir l’intercepter avant son départ au large. J’y parviens du côté de Bayeux, mais la session d’observation ne durera qu’une quinzaine de minutes avant que la cellule ne s’enfuie définitivement.

En début de nuit, ce sont les Pays de la Loire et la région Centre qui sont sensés être touchés par un gros système convectif, mais là encore les modèles divergent et le positionnement n’est pas forcément évident. Je redescend dans un premier temps vers la Sarthe et ait le plaisir de rencontrer une toute petite cellule isolée à proximité de la capitale des rillettes. Malgré sa mignonnerie, quelques coups de foudre bien percutants vinrent frapper la campagne tandis qu’une micro-rafale fut bien visible grâce au renflement du rideau de pluie.

Rassuré par cette petite cellule en guise de prémisse, je « campe » dans la région en début de nuit, avec l’espoir d’être bien placé pour la suite. Une rencontre sympathique avec des collègues chasseur permettra d’ailleurs de passer un peu le temps, tout en restant concentré sur l’évolution de la situation. Le doute va pourtant grandir au fil de la soirée, alors que des cellules se forment sur un axe bien plus à l’est qu’espéré, et que la Sarthe paraît se trouver en plein centre de la dépression, ce qui n’est pas forcément le plus favorable à l’éclosion des orages.
Vers 23h, décision est prise de filer plein est, alors que des flashs sont déjà visibles au loin dans cette direction. Je rejoins les orages 1h30 plus tard, dans les champs du Loiret, avec une activité éléctrique constituée majoritairement d’internuageux. La foudre arrivera plus tard au sein des très fortes pluies… impossible d’en sortir quelque chose en photo.

Finalement, dans le même temps, le Maine-et-Loire et la Sarthe sont concernés par un énorme système orageux qui provoquera pas mal de dégâts, en se montrant très électrique. Peut-être que la meilleure solution aurait été de rester du côté du Mans…
Il existe toujours un jonglage à faire entre s’en tenir à ses premières impressions, motivées par une étude minutieuse des modèles météo, et savoir s’adapter à l’évolution en temps réel des événements, qui peut différer des prévisions. L’impatience peut venir troubler cet équilibre en menant à des décisions qui vont à l’encontre du raisonnable.
17 JUIN 2021
Le 17 Juin, les modèles météo pataugent toujours autant. A se demander si un ingénieur n’a pas tout déréglé avant le début de saison en se gourant dans la configuration des algorithmes.
Heureusement, les données en temps réel sont plus parlantes avec une zone de convergence des vents très bien délimitée entre la Nièvre et le Loiret. Placé dans ce secteur dès le début d’aprèm, j’assiste à la formation de premières averses peu engageantes. Durant, deux heures, ces pseudos orages semblent lutter pour trouver suffisamment d’humidité. Les choses finissent par changer et c’est comme souvent en seconde partie d’après-midi que la convection prend un second souffle. Cette fois, l’orage grossit à vue d’oeil et profite immédiatement des conditions de vent pour prendre des allures supercellulaires. A proximité de la Charité-sur-Loire, le nuage-mur est déjà bien menaçant !

Manque de chance, la cellule remonte en plein sur des territoires vallonnés et surtout très boisés. Devant la structure en évolution, je refuse de me laisser abattre et je considère que ça vaut le coup d’accompagner l’orage de bois en forêts. Parfois, entre les arbres, j’observe le mésocyclone.

Globalement, ce ne fut pas un plaisir de foncer dans la forêt pour tenter tout juste de rester au contact de la supercellule. Rares ont été les fenêtres d’observation sur une rotation qui était par moments très intense et proche du sol. Mais je ne bouderai pas l’opportunité d’avoir pu chasser une telle supercellule.
Après deux heures de course-poursuite, l’orage va rapidement s’effondrer à proximité de Sens, dans l’Yonne, signant la fin des hostilités pour cette journée.
18 JUIN 2021
Bon, là, il faut reconnaître que j’ai un peu triché. Les orages sont apparus après minuit sur la Gironde, donc, techniquement, nous étions déjà le 19 Juin. Mais c’est après 4h de route opérés le 18 Juin que j’assistais à ces orages un poil décevants de par leur manque de foudre.

A 3h du matin, je totalise un ratio de 10 000 intranuageux pour 0 coups de foudre. Mais je garde la foi jusqu’au bout et remonte à l’avant des orages sur les Charentes. J’y ai au moins le plaisir d’observer un nuage en rouleau massif sur tout l’horizon, avant de profiter du coeur de l’orage au Super U local.

19 JUIN 2021
On savait que ce 19 Juin était la journée phare de la série orageuse. Un courant jet bien en place au dessus du pays, une instabilité plutôt forte, des convergences de vent favorables aux phénomènes tourbillonnaires.
Suite à une nuit très confortable dans la voiture, bercé par les dernières gouttes de pluie des orages de la nuit, je me dirige plein nord dans la matinée pour rejoindre les Pays de la Loire, où les indices laissent à penser que le potentiel de supercellule y est le plus marqué.
A peine le sandwich du déjeuner est-il avalé qu’une cellule semble se démarquer au radar. De nombreuses averses concernaient déjà le littoral Atlantique mais c’est bien un noyau sur le nord des Deux-Sèvres qui allait rapidement profiter des conditions explosives du jour. Tandis que je suis à l’approche de Tours, je sais déjà que cette cellule va probablement perdurer pendant plusieurs heures. Il y a là l’opportunité d’une véritable chasse à l’américaine, à accompagner le même orage sur des dizaines voire des centaines de kilomètres.
Je ne le sais pas encore, mais quelques minutes avant de rejoindre l’orage au nord de la Touraine, celui-ci vient d’engendrer une tornade EF-2, décapitant au passage le clocher de Saint-Nicolas-de-Bourgueil. A cinq minutes de là où je suis né et où j’ai vécu jusqu’à ma majorité… La suite, vous l’aurez vu en vidéo. Si j’ai effectivement pu accompagner l’orage des heures durant, c’est en faisant parfois de gros écarts pour reprendre l’autoroute et remonter sur le monstre. La faute à des routes françaises nettement moins permissives que leurs homologues Etats-Uniennes.
C’est encore dans les belles plaines de la Beauce que j’aurai pu observer le mieux cette supercellule.





S’en suivra la désillusion de voir s’enfuir l’orage alors que je comptais bien le dompter jusqu’à la Marne, où tous les indices de vent annonçaient une apocalypse qui aura bien lieu, mais sans moi. Les collègues auront heureusement pris la relève. Petit exemple avec cette superbe image de Kevin Leclercq.
Quelque peu frustré de ne pouvoir mener ma chasse jusqu’au bout, je décide de tenter le tout pour le tout sur des cellules bien plus lointaines, en Bourgogne. Le trajet va s’avérer très long entre les portes de Paris et la Côte d’Or où je finirai par intercepter une énième jolie supercellule à la nuit tombante, près de Langres. D’autres orages s’enchaîneront ensuite pendant encore plus de 2 heures, avec encore des clignotements frénétiques mais peu de foudre à imprimer en photo… Ce sera une nouvelle nuit dans la voiture après une grosse journée, et en vue d’une autre dégradation prévue dans la région le lendemain.
20 JUIN 2021
La journée commençait idéalement, dans une ambiance très moite suite aux intenses précipitations de la veille, et avec des rayons de soleil réchauffant rapidement le sol entre les bancs d’altocumulus. A l’heure du passage au McDrive de Dijon, l’atmosphère est typiquement pré-orageuse et je suis confiant sur la suite des événements.
C’était sans compter sur la malédiction du voile nuageux… Des cellules matinales déjà bien actives sur le Morvan projettent leurs enclumes vers le nord-est, et stoppent instantanément le réchauffement des basses couches. A défaut d’une convection sur la zone dans l’après-midi, j’espère au moins voir ces cellules remonter de manière vigoureuse sur le département. Mais il n’en sera rien. Les orages se propageront en crabe vers le Jura, dans un marasme crasseux. Et même si je parviendrai à les rejoindre du côté de Dole, l’uniformité grise du ciel ne méritera aucune photo.
Rattrapé par une intense fatigue, je déciderai de couper court à la chasse pour un retour en Auvergne… en vue des orages du lendemain !
21 JUIN 2021
A nouveau, la journée va commencer fort ! Après une nuit insuffisante pour récupérer tout à fait des kilomètres avalés sur les derniers jours, un orage matinal à domicile va immédiatement me remettre dans le bain. C’est lui qui me donnera l’intense averse de grêle visible dans la vidéo.
Mais il s’agissait simplement d’un échauffement avant une dégradation un peu plus marquée en fin de journée, sur les paysages fantastiques de la plaine de Limagne. L’éclosion de multiples cellules allait encore dégénérer en bases rotatives suspectes à gogo. La première ayant été confirmée au dessus de Clermont-Ferrand, tandis que la seconde allait se montrer bien plus proche de mon objectif. Une séquence que vous avez pu découvrir également en vidéo.




Une chasse définitivement plus tranquille que deux jours auparavant, et infiniment plus esthétique que la veille, malgré le manque de foudre encore à signaler. Une belle manière de conclure la série, bien qu’il existait encore à l’époque un espoir de voir quelques cellules se manifester le jour suivant.
Je ne sais plus trop bien si j’ai dormi toute la journée du 22 ou si les quelques averses ne méritaient pas qu’on y prête attention…
27 JUIN 2021
Une semaine de repos et de tri des images réalisées aura permis de remettre les choses à plat en vue de ce 27 Juin, très prometteur sur le papier. La thématique orageuse allait de toute façon exister dès le matin au travers de l’enregistrement d’un podcast 6000 de CAPE avec deux compères chasseurs (épisode disponible au mois d’Août).
Si quelques hésitations existaient jusqu’à la mi-journée quant à privilégier le Puy-de-Dôme ou la Loire, les observations météo penchaient rapidement en faveur de la seconde option. Des points de rosées bien élevés, signe d’une forte humidité, et des vents orientés plein est, favorisant une alimentation et une structuration des orages, m’appelaient vers le département voisin.
Et c’est dès mon passage au delà du relief que je tombais sur la première cellule intéressante du jour, qui sera suivie d’un petit train de supercellules, toutes affublées de nuages-murs rotatifs et parcourant peu ou prou la même trajectoire. Un après-midi idéal devant la parade des orages…


Il était alors temps de regarder aussi ce qui se passait plus loin à l’Ouest. Le Puy-de-Dôme, peu concerné par les orages, avait gardé de l’énergie en stock. Et une énorme cellule fonçait depuis la Corrèze vers les reliefs auvergnats. Je reprends alors la route en direction d’Issoire pour arriver juste à temps sur un bon spot d’observation. La foudre se montrera encore timide et lointaine et ce sera une semi déception, malgré l’intensité encore dingue de cet orage.

Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que j’ai une appétence particulière pour la foudre proche, et que c’est un but photographique de tous les instants. Alors finir une grosse période d’orages sans avoir une telle photo dans la besace me reste un poil en travers de la gorge. Mais il serait sans doute tout aussi criminel de trouver à se plaindre suite à un tel enchainement de supercellules et autres joyeusetés…
Il faut dire que la motivation était présente, avec environ 10 000 km parcourus à travers de nombreuses régions. Un investissement définitivement payant, tant j’en ai pris plein les dents pendant 4 semaines. Voici qui conclut un mois de Juin exceptionnel, le plus foudroyé depuis 1993. Comment ça le plus foudroyé ?? Ils se sont bien cachés ces coquins impacts !
Ne reste plus qu’à espérer que la suite de l’été ne proposera pas une compensation statistique via un calme complet !

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