Chasse des 17 et 18 Mai 2017
Chaque année c’est la même rengaine. On a passé 8 mois d’hiver en mode survie à rêver des prochains concerts de grillons vite interrompus par le tonnerre fracassant. Huit mois d’hiver en région parisienne à rêver d’été partout ailleurs. Alors dès que le thermomètre ose enfin élever un peu le niveau, on se dit qu’il est temps d’envisager la première sortie de la saison. Puis on se souvient que sa voiture de bientôt 20 ans d’âge et 330 000 kilomètres au compteur montre quelques signes de fatigue. Sans parler de ces cicatrices qu’elle a accumulé sur les terrains de chasse, de cette carrosserie bosselée par les grêlons bourguignons du 30 juin 2012, de ce pare-brise fêlé par les spécimens ultra larges du 9 juin 2014, de ce pare-choc avant écorché dans un fossé Auvergnat en 2011 ou de ce pare-choc arrière tordu par un muret Alpin invisible sous un déluge nocturne en 2008 ; on peut dire qu’il est temps d’accorder à mon increvable Yaris une retraite amplement méritée. La pauvre n’aura même pas eu l’honneur de terminer sa carrière en beauté, au cours d’une saison orageuse 2016 catastrophique. Mais j’espère qu’elle aura une deuxième vie tout aussi excitante en Afrique, où elle a désormais posé les roues.
La remplaçante fut mûrement réfléchie et semble ne pas encore savoir ce qui l’attend. Les deux jours d’orages qui se profilent feront office de grand test.
Motivé comme jamais après tant de disette, j’ambitionne d’aborder cette première journée du 17 Mai en deux temps. Au vu des modélisations, j’espère en effet pouvoir profiter des orages qui pourraient se déclencher entre Pays de la Loire et Normandie, avant de rejoindre une seconde vague prévue pour le Centre et la Bourgogne. Bien que les paramètres ne soient pas affolants, je cherche avant tout à renouer avec le plaisir de la chasse, tout comme j’ai déjà renoué avec le plaisir de conduite au volant de mon nouveau bolide.
Direction le département de l’Eure où à l’approche d’un front ondulant, les orages devraient se former rapidement en début d’après-midi.
Conformément aux attentes, de nombreux averses germent de l’Anjou à la Sarthe, remontant vers le nord en prenant un aspect de plus en plus orageux sur les images radar. Toutefois, le vent semble manquer en basse couches de l’atmosphère pour provoquer des phénomènes violents. Il va s’agir de repérer l’endroit potentiellement le plus intéressant, ou bien le moins inintéressant. Alors que les averses se renforcent quelque peu, je remarque une convergence de nuage se dirigeant plus spécifiquement vers l’une d’entre elle. Signe d’un afflux d’air légèrement supérieur dans cette région. Me guidant vers le Perche, cette ligne de cumulus entre droit dans l’orage et l’aide à développer une base nuageuse assez esthétique l’espace d’un instant.
Les prémices de la formation d’un Arcus qui se montrera sous son meilleur jour plus tard et plus au nord, mais que je n’aurai même pas tenté de précéder au vu de sa vitesse de déplacement et de mes ambitions futures. L’activité électrique n’était pas non plus suffisamment intense pour justifier qu’on s’y attarde. Toutefois, c’est une première rencontre revigorante en vue de la suite de cette expédition.
Comme prévu initialement, je roule maintenant en direction du Loiret où des orages pourraient se développer en soirée. Mais quelques heures de routes me mènent vers des orages tout à fait moribonds, ne méritant aucunement la sortie de l’appareil photo. Je guette pendant une bonne partie de l’après-midi ces petites cellules qui ne semblent jamais vouloir gonfler. Plus à l’est par contre, bien plus à l’est, je remarque que des cumulus gonflent sur l’horizon. Il est vrai qu’une autre zone de convergence des vents était envisagée dans la région d’Auxerre et qu’elle présentait de bons signes d’instabilité pour le début de nuit.
Malheureusement, ce n’est que trop tard que je prends la décision de migrer dans cette direction. Et c’est surtout de loin que je verrai cette ligne d’orages prendre forme et éclairer le ciel. Atteignant enfin son bord ouest dans les premières vignes de l’Auxerrois, je capture mon premier éclair de la saison. Ce qui constitue bien là son seul intérêt !
Je comprends que ma seule chance d’observer de la foudre ou des formations nuageuses esthétiques se situe dans le contournement de cet orage pour l’aborder par sa face est. S’en suivra donc une heure de laborieux replacement afin de trouver une vue en amont de la cellule. C’est finalement du côté de Chablis que je plante mon trépied quelques minutes avant l’arrivée de la pluie.
Les manifestations éléctriques sont principalement internuageuses mais, idéaliste, je crois encore au coup de foudre. Bien que les premières grosses gouttes commencent à rincer le matériel, je persévère un peu et suis récompensé :
Devant me contenter de cet éclair noyé, je regagne la voiture avant de subir le même sort. Quelques autres impacts s’abattent autour de moi de façon assez proche. J’aurai sans doute fait déraisonnablement trop de kilomètres aujourd’hui pour ces fugaces instants orageux mais c’est sans aucun regret que je m’apprête à sommeiller sur mon balcon bourguignon. Claquant sur la vitre du toit ouvrant durant toute la nuit, comme sur un velux, les gouttes vont me bercer et m’aider à dormir comme un bébé. Encore un bon point pour mon nouvel hôtel roulant !
A 8 heures du matin, c’est même une pluie intense qui me réveille soudainement. Une pluie convective. Une pluie d’orage ! Oui mais sans orage. Pas d’éclairs à signaler. Concentrons-nous plutôt sur les modèles météo pour la journée à venir.
Suite à cet intense front pluvieux nocturne, une grande partie de la France est encore ennuagée, et seule une portion située entre l’Aquitaine et le Centre paraît vouloir regagner un peu de soleil dans les heures qui viennent. De toute évidence, c’est dans cette langue d’air réchauffé que vont pouvoir se former les orages du jour. Me voici donc parti pour quelques heures de route en direction de Bourges. Le temps d’y déjeuner, puis je vais me poster un peu plus au sud de la ville, au milieu de la campagne. J’ai choisi cet endroit car j’y ai noté une nette convergence de cumulus et autres nuages instables.
Tout cela reste bien sage pour le moment, mais les signes avant-coureur sont là. En début d’après-midi, une première concentration tente d’assombrir le ciel :
Suivi quelques instants plus tard d’un autre développement à l’est de ma position :
Puis la mayonnaise prend soudainement, et face à moi se forme un orage immédiatement très pluvieux. Je dois me décaler de quelques kilomètres à l’est pour garder en visu sa base d’alimentation. Et autant dire que ça valait le coup !
La base en question, parfaitement distincte du rideau de précipitations est très sombre et vient titiller la point des arbres à certains moments. Sa forme quelque peu circulaire est animée d’une légère rotation de l’ensemble. On sent à travers ce développement la volonté d’obtenir le grade de supercellule.
La rotation n’est cependant pas assez puissante et la base se déconstruit assez rapidement. L’orage garde malgré tout de la vigueur et fait entendre un grondement continu. Alors que je l’accompagne sur son bord sud, il m’offre encore de sympathiques griffes sombres.
A certains instants, la base s’abaisse à nouveau de façon plus conséquente et plus solide. Un plaisir d’observer cette scène depuis les paysages dégagés du Cher. Bien qu’il soit parfois compliqué de tenir le rythme sur ces petites routes pour garder un visu sur le meilleur côté de l’orage.
Heureusement, mes quelques chevaux supplémentaires m’aident à lui tenir tête. Sauf que nombre d’autres cellules ont germé à proximité et commencent à se souder entre elles pour ne former plus qu’une grande ligne sombre. Très peu de foudre à signaler sous cet arcus en formation, si ce n’est par moment des éclairs extra-nuageux s’abattant 20 kilomètres en amont de l’orage. De quoi hésiter à sortir le trépied… Je décide d’anticiper un peu l’avancée du système en me rendant sur les hauteurs de Sancerre afin d’avoir tout le monde sur la photo. Un arcus peu structuré mais tout de même esthétique se présente à moi :
Suite à cela, je laisse finalement les orages me rattraper. L’organisation en ligne est généralement synonyme d’accélération du déplacement des cellules et je sais que je ne parviendrai plus à rester à l’avant.
Une chasse digne d’un mois de mai avec des phénomènes intéressants à observer mais manquant encore un peu de chaleur et d’instabilité atmosphérique pour vraiment exploser. L’examen est passé avec succès pour la nouvelle voiture qui a su remplir tous les rôles que j’attendais d’elle. Agilité sur les petites routes cahoteuses, débrouillardise sur les chemins caillouteux, dynamisme sur les coups d’essuie-glace en cas de déluge et confort lors du long retour sous d’ennuyeuses pluies stratiformes. Ma routine de chasse ne semble pas non plus avoir été entachée par le calme de l’année 2016 et je suis bien décidé à compenser en France l’absence de voyage américain pour cette année. Ce n’était que l’échauffement…
4 Comments
Tu viens en Normandie et pas au Mont Saint-Michel ?? Dommage, on a eu un spécimen orageux il y a 3 semaines de ça qui a été très spectaculaire, t’as loupé quelquechose !
En tout cas ça fait plaisir de voir un nouvel article, et je te dis bonne saison 2017 (qui est déjà bien partie par ici…)
Il y avait quand même encore une sacré trotte jusqu’au Mont ! Mais en effet j’aimerais bien y passer un de ces quatre :) Merci pour ton commentaire (auquel j’ai mis 12 ans à répondre !).
Fais-moi signe si c’est le cas je te ferai visiter :)
Quand est ce que la prochaine fois que vous faîte une chronique ?